Dimension cognitivo-comportementale et TNM (thérapies non médicamenteuses)

L’Etat, via l’HAS et l’ARS, semble admettre, depuis une dizaine d’année maintenant, la dimension centrale des acteurs des organisations sanitaires et médicosociales dans la prise en charge des patients et résidents. Dans le même temps les thérapies non-médicamenteuses TNM) sont de plus en plus acceptées, notamment dans la prise en charge de la douleur physique, psychique et morale.

Désormais le panel des TNM est très étendu, en font partie les approches méditatives et/ou de pleine conscience, l’hypnose, la musicothérapie, tout autant que les innombrables techniques issues des sociétés traditionnelles…

 

Bon à savoir

Les soignants et l’ensemble des personnels que j’ai pu côtoyer et former tout au long de ma vie professionnelle ont en commun quelque chose d’indéfinissable. Le plus souvent ils semblent avoir accès à la compassion à l’aide d’une « fêlure intime ». A l’instar de Michel Audiard, nous pourrions affirmer : « Bienheureux les humanistes fêlés, ils laissent passer la lumière ». Pour avoir eu l’honneur de travailler avec eux, je peux témoigner de leur capacité de « clairvoyance ». Dotés en effet d’une profonde et belle sensibilité, c’est par la lecture de leur propre ressenti et celle des micro-gestes des usagers qu’ils devinent chez ces derniers l’intensité de la souffrance…

En ce qui concerne leur position sociale en tant qu’acteurs du domaine sanitaire et médico-social, avouons que dans nos sociétés dites de consommation de masse et évoluées, ils vivent le pire moment possible…

En effet, à l’époque de l’Egypte antique, des civilisations cananéennes et sumériennes ou encore de la Grèce antique, les accompagnants du crépuscule de la vie étaient héroïsés et infiniment respectés. Cette époque est malheureusement révolue.

La poursuite délirante du risque zéro, les procédures de traçabilité, la recherche de la qualité totale, les évaluations incessantes des pratiques professionnelles ne sont-elles pas dictées uniquement par l’angoisse de la mort ? Mais ceci est un autre débat me direz-vous…

Quoiqu’il en soit, cette ambiance dommageable finit par chosifier « ces sortes d’humains exceptionnels ». De plus, le grand public semble désormais sous la dictature du goût pour le drame, demandant aux médias de dénoncer sans vergogne le faux afin de découvrir (soi-disant) le vrai…1»

Les soignants, les travailleurs sociaux, les cadres de santé intermédiaires ou stratégiques ne sont désormais plus considérés comme des facilitateurs de Vie mais plutôt comme des distributeurs de « canettes  de services » à donner aux usagers.

Les démarches de conseil et de formation que je dispense depuis maintenant plus de trente ans ont toujours cherché à mettre les personnels de santé en priorité sur le sujet soigné.

Il n’y a là rien de démagogique, seulement du simple bon sens !

 

Intérêt des techniques cognitivo-comportementales et des TNM

Si nous devions trouver un invariant, un point commun, aux techniques cognitivo-comportementales et aux thérapies non médicamenteuses c’est probablement qu’elles favorisent toutes la plasticité neuronale de notre cerveau. Pour exemple, elles permettent de sortir de nos réflexes conditionnés, de nos obsessions et angoisses envahissantes. En nous aidant à sortir de nos autoroutes neuronales, par la mise en abîme de nos certitudes, elles nous ouvrent sur des perspectives de vie inattendues. Les changements de trajectoires de vie sont déjà connus des physiologistes. Pour exemple, il est possible de suppléer certaines fonctions défaillantes en activant ou renforçant des chemins neuronaux sous-utilisés. Ainsi, la mobilité perdue d’un bras va pouvoir être retrouvée en partie par l’activation d’une zone cérébrale à l’origine non concernée par son mouvement. La littérature scientifique est parcourue par ces prouesses facilement observables dans les services de soin de suite et de réadaptation fonctionnelles (SSR).

La refonte de nos certitudes et l’ouverture vers une liberté nouvelle ne vont pas soi. Changer notre personnalité – lorsqu’elle est inadaptée à un contexte social et entraine un risque de marginalisation ou de dépression – peut se faire par un geste de conscience qui n’a rien d’évident. Ce geste s’apprend ; il nécessite dans tous les cas une capacité à traverser ses contradictions internes.

 

La traversée :

Très schématiquement, disons que trois jeux de forces sont en présence dans l’individualité humaine :

  1. la capacité à conceptualiser à l’aide des grands hémisphères (néocortex)
  2. la dimension émotionnelle, utile à la mémoire et à la socialisation (régions limbiques)
  3. la dimension du ressenti, utile à la préservation de notre intégrité mentale et physique mais également à l’interdépendance avec la réalité physique du monde (cerveau reptilien ou archéocortex).

 

  • la capacité à conceptualiser à l’aide des grands hémisphères (néocortex)
  • la dimension émotionnelle, utile à la mémoire et à la socialisation (régions limbiques)
  • la dimension du ressenti, utile à la préservation de notre intégrité mentale et physique mais également à l’interdépendance avec la réalité physique du monde (cerveau reptilien ou archéocortex).

 

La capacité à se ressourcer et à se réguler par une sorte d’homéostasie dépend de notre capacité à traverser ces forces apparemment contradictoires. L’important est de réaliser que cette traversée doit impérativement s’effectuer à l’aide du corps. Ainsi toutes les démarches cognitives et comportementales que nous proposons tiennent compte de cette évidence. En termes plus philosophiques disons que la démarche se doit d’être immanente.

Traverser, accepter, consentir c’est voir… C’est augmenter la lucidité envers soi et le réel. Il s’agit d’une lecture de soi, d’une reconnaissance de soi, un peu comme lorsque nous nous reconnaissons dans un miroir. Ceci s’appelle la conscience de soi. Optimiser la conscience de soi permet ensuite de vivre, de s’immerger dans le non soi, autrement dit dans des registres moins bien identifiés de notre individualité. A ce niveau de ressenti et d’intimité, notre dimension personnelle, individuelle semble être devenue illimitée. Nous flirtons alors avec les EMC (états modifiés de conscience), réalisant que nous sommes personnellement imperson-nels.

 

Nota : Gilles Deleuze bien avant moi a dénoncé cette posture de fausse jouissance. La facilité selon lui est de dénoncer la dimension équivoque de l’information plutôt que d’affirmer d’emblée la dimension univoque. La lumière de la connaissance est univoque, autrement dit en un seul sens. Il vaudrait donc mieux pleinement affirmer le vrai plutôt que de se nourrir de scandales afin de deviner ce qu’il faudrait faire… Mais je pense que tant que nous ne serons pas individuellement rassuré sur notre identité éternelle les choses ne changeront que très peu…